Publié le 15 Novembre 2022

Le texte qui suit est extrait du livre "Le Monde au sens bouddhique" écrit par Nina van Gorkom, une spécialiste de la tradition theravāda et de ses textes les plus anciens. Le livre a été publié dans sa version française en novembre 2022.

1 Introduction

Nous sommes accoutumés depuis notre enfance à cette idée que le Monde dans lequel nous vivons en compagnie des autres est le Monde réel. Le Bouddha a expliqué que le Monde est composé d’objets qui apparaissent par nos organes, yeux, oreilles, nez, langue, système somatosensoriel, et par la porte du psychisme. Tous ces objets sont des phénomènes fugaces qui durent une fraction de seconde. Une vision n’existe qu’un instant, disparaissant très vite. Un objet visible n’existe qu’un instant, disparaissant très vite. Notre Monde, que nous croyons solide, stable, est en réalité constitué d’éléments non permanents, fugaces. Notre Monde comme nous-mêmes s’autodésagrège dans une perpétuelle désintégration.

Confronté dès la première page de ce livre à deux types de vérités différentes, l’une conventionnelle et l’autre ultime, le lecteur pourrait voir dans cette antinomie une impossibilité de concilier une pratique du bouddhisme avec son quotidien. Nous devons travailler, vivre avec les autres, et voulons profiter de nos possessions, de toutes les choses de ce Monde. Le Bouddha n’a pas nié l’existence d’une vérité conventionnelle avec laquelle nous devons vivre. Cependant, et c’est une aide inestimable, il nous a enseigné ce qu’est la vérité ultime, à savoir la réalité de tout phénomène psychique (tout nāma) et de tout phénomène matériel (tout rūpa). Nāma et rūpa sont des termes pāli, la langue des écritures bouddhiques. Nous pouvons améliorer notre compréhension des vérités ultimes, à savoir des phénomènes psychiques (des nāma) et des phénomènes matériels (des rūpa) tout en vivant naturellement notre vie quotidienne. Une vérité ultime n’est pas une vérité incompréhensible, ce n’est pas quelque chose d’abstrait, mais une vérité à comprendre dans notre quotidien. La compréhension de cette vérité nous aidera à mener notre vie dans le Monde d’une manière plus bénéfique et à faire face aux contrariétés qui apparaissent dans nos activités professionnelles ou familiales et dans nos relations avec les autres.

Comment améliorer naturellement la compréhension des phénomènes psychiques (des nāma) et des phénomènes matériels (des rūpa) tout en mangeant, en accomplissant nos tâches quotidiennes, en faisant tout ce que nous faisons habituellement ? C’était le sujet de lettres que j’ai écrites depuis Tokyo à une personne qui se demandait comment développer une compréhension juste des phénomènes psychiques et des phénomènes matériels dans sa vie quotidienne. Le Bouddha a enseigné sati, l’attention lucide (la pleine attention) aux phénomènes psychiques et aux phénomènes matériels dans notre vie quotidienne afin d’en avoir une compréhension directe. Nous avons déjà expliqué en quoi consiste une attention lucide (un sati) ; il est difficile pour chacun d’entre nous de comprendre cette réalité tant elle semble insaisissable. Une attention lucide est différente d’une pensée ; mais alors de quoi s’agit-il ? Nous devons accepter le fait de ne pas comprendre immédiatement ce qu’est une attention lucide et étudier soigneusement tous les phénomènes de notre vie comme le Bouddha nous a appris à le faire. Nous devons considérer que la connaissance de ceux-ci est une base fondamentale. Graduellement, nous pouvons apprendre à examiner les phénomènes psychiques et les phénomènes matériels qui apparaissent dans notre vie et c’est alors que peuvent se produire les conditions pour que se manifeste une attention lucide envers ces phénomènes.

Le lecteur peut se demander dans quel but étudier les phénomènes psychiques (les nāma) et les phénomènes matériels (les rūpa). Pourquoi devrait-on se donner tant de mal ? Parce qu’il est important d’avoir moins d’ignorance sur notre vie, sur nous-mêmes. La véritable cause de tous nos problèmes n’est pas le comportement des autres ni la situation dans laquelle nous nous trouvons, mais nos propres souillures psychiques. Notre ignorance des réalités conditionne de nombreuses autres souillures psychiques, comme l’égoïsme, la haine, l’avarice et la jalousie. Améliorer notre compréhension permet d’éliminer l’ignorance des réalités. Et lorsqu’il y aura moins d’ignorance des réalités, ce sera pour notre bénéfice et celui des autres. L’amélioration de la compréhension ne peut être que très progressive. Il nous faut de la patience pour étudier tous les phénomènes qui apparaissent. Au début, nous pouvons croire que nous savons déjà ce que sont les phénomènes tels qu’une vision, une audition ou une pensée, mais, peu à peu, nous nous rendrons compte à quel point nous sommes ignorants au sujet des phénomènes les plus courants de notre vie. C’est un bon début. Nous entendons des sons toute la journée, mais que savons-nous de l’audition ? Nous avons peut-être pensé que nous pouvions, dans le même temps, entendre un son et identifier celui-ci, c’est-à-dire reconnaître ce que nous entendons. Entendre est un moment, et connaître la signification de ce que nous entendons, par exemple des mots, sont d’autres moments. Le lecteur peut se demander pourquoi il est important de savoir cela. C’est important en effet, car des souillures psychiques apparaissent immédiatement à la suite des informations transmises par nos sens. Nous devrions en apprendre davantage sur nos souillures psychiques et sur la façon dont elles sont conditionnées. Nous entendons des sons, des propos agréables ou désagréables et ensuite, lorsque nous reconnaissons leur signification et que nous pensons à ce que nous avons entendu, nous y réagissons immédiatement de manière négative ou de manière positive. Il peut y avoir soit des moments néfastes de désir-attachement ou de colère soit des moments bénéfiques de patience et de compréhension. Tout cela se produit si rapidement, en une fraction de seconde, que cela échappe à tout contrôle. Lorsque nous examinons de près ces processus dans notre vie, nous pouvons constater par nous-mêmes que de nombreux phénomènes psychiques différents échappent à tout contrôle. Nous ne pouvons pas créer notre propre audition ni diriger la façon dont nous réagissons, car cela s’est déjà produit avant que nous ne le constations. Le Bouddha a enseigné que les phénomènes psychiques et les phénomènes matériels apparaissent en raison de leurs propres facteurs de conditionnement. Par exemple, lorsque l’on réagit avec patience à des paroles blessantes, on peut le faire parce qu’il est dans notre caractère de réagir de cette façon. Car une telle tendance a déjà été accumulée. Cet exemple illustre le fait qu’il n’y a pas qu’un seul esprit, mais de nombreux phénomènes psychiques différents qui se remplacent sans cesse.

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Rédigé par Christian Galliou

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Publié le 20 Décembre 2020

 

 

Voilà un livre indispensable à votre pratique personnelle de la méditation traditionnelle Vipassana.

L'ouvrage est vendu à prix coûtant, soit 4,20€ pour la version papier et 0,89€ pour la version e-book.

À commander à partir du lien: https://www.amazon.fr/dp/1798630133

En vous souhaitant de progresser sur le Voie de la libération de dukkha.

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Rédigé par Christian Galliou

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Publié le 4 Février 2018

"L'existence est insatisfaisante et sujette à la souffrance, "dukkha".

"J'ai uniquement expliqué dukkha, la naissance de dukkha, la cessation de dukkha et le chemin qui conduit à la cessation de dukkha.../...au Nibbanā"

                                                                                       Le Bouddha

"Parallèlement à l’enracinement du Dhamma en Occident, se développe un engouement pour l’outil essentiel du bouddhisme: la méditation, mais sans rapport direct avec l’enseignement bouddhique, la méditation vue simplement comme un moyen de se sentir mieux dans sa peau.".../..."On ne doit pas pourtant perdre l’essence de l’enseignement. Si on s’efforce de ne pas heurter les idées et d’être accepté par la société, on perd la grandeur et la beauté d’un idéal complètement libérateur. /../ On doit s’assurer que le Dhamma est enseigné dans un seul but: l’obtention du Nibbâna. C’est pour cela qu’on pratique, enseigne, médite dans la Voie du Bouddha. Il est important de garder à l‘esprit cette ligne de conduite. Si on ne recherche plus le Nibbâna, alors le Dhamma devient du "psycho-dhamma" ou de la philosophie, ou même une association de gens qui partagent les mêmes idées." Ayya Khema – (Rencontre avec des femmes remarquables - Martine Batchelor).

 

 

    

 

 
 

 

 

 

 

 

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Rédigé par Christian Galliou

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Publié le 20 Janvier 2018

Si l'on admet, avec les textes de la tradition, que l'ignorance de ce que nous sommes dans la réalité est à l'origine de l'apparition de dukkha, la souffrance sous tous ses aspects, la solution pour faire diminuer dukkha et l'éradiquer sera logiquement de travailler à la disparition de cette ignorance. Pour réaliser la connaissance directe (pañña en pāli) de ce que "je suis" au-delà des apparences illusoires, il est primordial de mettre en place les conditions de son émergence par la notation de l'apparition, de l'existence et de la disparition de chaque conscience prédominante à l'esprit dans l'instant présent. Et ce champ de notation inclut toute forme de conscience, que son origine soit physique ou mentale. Vipassanā, la vision directe de la réalité de tout phénomène corporel ou mental, est l'aboutissement attendu de la méthode Satipatthāna, "L'établissement de l'attention" en pāli. L'efficacité de la méthode suppose, bien entendu, qu'elle soit menée avec sérieux et en confiance.

Une attention la plus juste possible lors de l'apparition de chaque conscience dans notre vie quotidienne va diminuer le nombre de manifestations des consciences de ressenti douloureux, de dukkha. Renouvelé tout au long de la journée, cet effort de retour à la conscience dominante de l'instant va aussi préparer l'esprit à la concentration et à l'attention justes durant la séquence quotidienne de méditation formelle, marche et assise attentives, autre condition à respecter pour faire progresser l'esprit vers cette connaissance libératrice.

Dans la vie courante, la pratique de l'attention juste consiste donc à faire l'effort de ramener l'esprit le plus souvent possible à la conscience dominante. Mais, avant tout, nous identifierons chaque type de conscience à partir de son objet: visuel, auditif, tactile, olfactif, gustatif ou mental. Le même effort à fournir lors des marches et assises s'en trouvera ainsi renforcé.

Car il s'agit bien d'une méthode pratique et non d'une matière à spéculations intellectuelles. Ce qui induit que les résultats sont réels et que si nous avons noté les consciences dominantes instant après instant, du moins le plus souvent possible, nous constaterons par nous-même que la journée s'est plutôt mieux déroulée du fait de cette pratique. De cette manière, l'esprit s'est préparé aux grands nettoyages effectués lors des marches et assises quotidiennes qui le libèrent des causes inconscientes de dukkha. Ainsi, ayant admis a priori que "l'ignorance de ce que nous sommes dans la réalité est à l'origine de l'apparition de dukkha", l'esprit expérimente les premiers bénéfices et constatera que ceux-ci sont en rapport direct avec l'approche vécue de la réalité de ce que nous sommes: éléments de matière d'une part et, d'autre part, consciences qui apparaissent, existent et disparaissent.

Une conscience, kézaco?

Comment se caractérise une conscience ? Une conscience est le produit d'une rencontre (d'une "concomitance") de trois éléments de types différents: un organe des sens, un objet des sens et une attention. Chaque conscience est identifiable par son objet: une conscience visuelle apparait à partir d'un objet visible (couleurs et formes), une conscience auditive à partir d'un son, une conscience tactile à partir d'un objet tactile, une conscience gustative à partir d'un goût, une conscience olfactive à partir d'une odeur, une conscience mentale à partir d'un objet autre que ceux cités précédemment: (ressenti (vedanā), état d'esprit (citta), et tout objet mental (dhammā). Avec les progrès dans la pratique de l'attention juste, on constatera d'une part qu'il n'existe qu'une seule conscience à la fois, et, d'autre part, que cette conscience apparaît à partir d'une attention générée par le contact entre un organe et un objet; dès que cette attention aura cessé d'exister, cette conscience disparaîtra aussitôt. Chaque conscience est donc unique, comme celle qui va lui succéder et ainsi que celle qui l'aura précédée. Par conséquent, il n'y a pas de conscience permanente qui serait colorée selon son objet: "La conscience visuelle ne passe pas à l'oreille et ne devient pas conscience auditive, et ainsi de suite". (Majjhima nikāyaṭṭhakathā, Papañcasudani).

L'esprit produit sans cesse des consciences et le progrès vers Vipassanā, la Vision intérieure, en fera connaître la vraie nature, faite d'une part d'une apparition, d'une existence éphémère et d'une disparition, anicca (mujo en japonais), et d'autre part d'anonymat, d'absence de connaissance du lieu de résidence d'où elles surgissent d'elles-mêmes, et où elles s'en retournent, n'appartenant à personne et ne constituant en rien une (id)entité propre, anatta (muga en japonais); enfin, si les deux premières caractéristiques peuvent sembler ne concerner que des philosophes férus de phénoménologie, la troisième devrait tous nous interpeller au plus haut point, car dukkha en pali, la douleur sous toutes ses formes, de la souffrance physique à la souffrance existentielle touche chaque existence. S'il fallait un mot pour en parler, ce serait "insatisfaction", ce que chacun peut comprendre immédiatement.

Dans son aspect le plus profond, dukkha est le résultat du désir de saisir toute conscience dominante en cet instant, soit pour la prolonger par avidité soit pour la rejeter par aversion, croyant aveuglément qu'il s'agit de l'expression d'un "moi" alors qu'il s'agit d'une pulsion maladive née de l'ignorance. Cette course désespérée de s'approprier l'éphémère par nature au bénéfice d'un "moi" illusoire sera freinée, puis enfin stoppée par la réalisation de la Vision claire de l'esprit, Vipassanā.

"Parce qu'ils n'ont aucune connaissance pratique de la Méditation Vipassanā, les gens ne sont généralement pas en position de connaître la nature véritable de l'esprit. Ce qui les amène naturellement à considérer faussement l'esprit comme une "personnalité", un "moi" ou une "entité vivante". Ils pensent généralement: "l'imagination est Je; Je suis en train d'imaginer; Je me propose de; Je suis en train de connaître", et ainsi de suite. Ils estiment qu'il existe une entité vivante ou un moi qui se développe depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte. En réalité, il n'y a pas d'entité vivante, mais un processus continu d'éléments mentaux se manifestant séparément et successivement. La pratique de la contemplation est donc effectuée dans le but de découvrir la réalité."  Mahasi Sayadaw

 

"Ne pas faire le moindre mal, cultiver le bien, purifier son esprit; tel est l'enseignement des bouddhas".   -Dhammapada – verset 185.

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Rédigé par Christian Galliou

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Publié le 14 Décembre 2014

Cetasika "choses mentales, facteurs psychiques" est le terme pour désigner "les concomitances mentales liées à une conscience, apparaissant simultanément (citta=viññāṇa) et conditionnées par sa présence." * Si les sutta présentent tous les phénomènes de l'existence sous la forme de cinq groupes -les cinq kkhanda- (voir l'article), l'Abhidhamma les expose sous trois aspects: citta, esprit, conscience, état de conscience, cetasika, facteurs mentaux et rupa, corporéité.

Le tableau ci-dessous classifie les cinquante deux facteurs psychiques (cetasika) qui comprennent les perceptions-reconnaissances (sañña), les ressentis (vedanā souvent appelés sensations), auxquels s'ajoutent les cinquante formations mentales (saṅkhāra) en fonction de leurs conséquences karmiques: neutres, nuisibles ou bénéfiques.

*Nyanatiloka - Vocabulaire Pali-Français.

 

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Rédigé par Christian Galliou

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